jeudi 31 octobre 2013

Kenneth Anger : Hollywood Babylone




J'aime l'histoire du cinéma hollywoodien, à son origine, lorsque sur un petit mont tout pelé quelques fous visionnaires installèrent 3 cabanes de rondin et croisèrent fort les doigts pour que le cinématographe leur remplissent les poches.




Le mont tout pelé fut nommé Hollywood et la poignée de fous eut bientôt les poches assez pleines : les foules avaient besoin de rêve, d'amour, de glamour et d'aventure : les décors en carton-pâte, les éphèbes et les starlettes s'en donnèrent à coeur joie pour les contenter. Puis ce fut l'avènement des grands studios, leurs bagarres par stars interposées, sur fond de mafia, de prohibition, jalousies, meurtres, vengeances, sur fond de robes vaporeuses, ongles rouges laqués, corps épilés-huilés-body-buildés, chevelures peroxydées, crantées, bouclées, diamants par poignées. L'âge d'or du cinéma hollywoodien (environ 1920-1935) aura aussi été celui de toutes les folies, de toutes les fêtes, de toutes les décandences : l'argent à flots, les stars et les starlettes prêtes à tout et bien plus pour tenir la vedette à l'écran, la corruption de tous les corps de métiers (du producteur au réalisateur, mais aussi la police et la justice qui trempèrent dans bien des affaires louches).

Le petit mont pelé est tout autant tâché d'or que de sang, en son flanc serpente la mythique mais non moins serial-killeuse route de "Mullholand Drive" qu'arpentent les plus beaux spécimens automobiles. Sunset Boulevard non loin scintille aussi de poudre d'étoiles, de poudre à rêves, de rêves déçus, de carrières sitôt au sommet, sitôt retombées, le tout baigné dans un stupre qui n'ose pas dire son nom.


Mulholland Drive


Kenneth Anger, l'auteur de "Hollywood Babylone", né en 1927, a grandi au beau milieu de tout ce fatras,  témoin privilégié des soirées débridées et décadentes  des tournages qui finissaient souvent en orgies, où la presse à scandale (Louella Parsons en égérie) s'en donnait à coeur joie pour détruire une renommée, un film, une carrière. Il fait paraître en France, en 1954 (éditions Jean-Jacques Pauvert), un premier "jet" de "Hollywood Babylone",  collabore aux Cahiers du Cinéma, devient un journaliste admiré dont la plume compte dans le milieu du cinéma.

Ici, dans sa forme complète, il nous livre "son" Hollywood, du muet jusqu'aux années 50 : une vision glauquissime made in tabloïds : scandales, affaires de moeurs, viols, meurtres, débauche : tout ce que L.A. n'a plus rien de confidentiel est ici révélé. Les grandes affaires inculpant les plus grandes stars telles Errol Flynn, Charlie Chaplin ou encore Fatty Arckbuckle sont ici livrées en pâture au lecteur avide de scandale : et il en a pour son content ! Si les tontons flingueurs de l'époque dégainaient plus vite que leurs ombres, la presse à ragôts n'eut rien à leur envier pour assassiner le tout-Hollywood : choux gras assurés pour les magnats de la presse tandis que les stars impliquées dans de sombres scénarios dînent maigre.



Errol Flynn




Roscoe (dit Fatty) Arckbuckle





Charlie Chaplin


L'ambiance du livre est moite comme un soir d'été californien, elle exhale, en une complainte rauque, la luxure, le sexe, la bobine de pellicule, le sang, le parfum outrageux sur un corps dénudé déjà cadavérique, la poussière des studios, la sueur des machinos, l'odeur brûlante et métallique des lampes à photographier. 

La plume de Kenneth Anger ne fait que relater, sans parti pris, elle se fait l'écho d'une presse à scandale et l'auteur ne fait que tourner pour nous les pages des torchons de l'époque : on en sort assez mal à l'aise sans toutefois être dupes : Hollywood fut, est et restera cette foire insensée au glamour, au fric, à la corruption, chaudron magique dans lequel bouillonnent toutes sortes d'individus, toutes sortes d'egos, germoir de stars et broyeur de carrières. 

L'on ne sait trop s'il faut accorder un total crédit à ces faits divers, et à vrai dire on s'en fout un peu, véridiques ou pas, sordides et sulfureux ils n'en demeurent pas moins, et c'est de cela  dont on se délecte, comme d'un bonbon qui pique trop sous la langue mais qu'on a quand-même plaisir à suçoter.

"Hollywood Babylone", par Kenneth Anger, éditions Tristram/collection "Souple", 318 pages, mars 2013


Pam Baileys

5 commentaires:

  1. Voilà... Comme à chaque fois, tu nous présentes un livre et j'ai envie de le lire !!! A moi Hollywood !!!
    Je suis bien contente de te retrouver ici :-)

    RépondreSupprimer
  2. ça me fait très plaisir de te voir par ici Lys ! Merci :-)

    RépondreSupprimer
  3. Ca a l'air bien ce livre, merci pour ce billet ! Sur toutes les années du cinéma muet et du tournant pris avec le parlant, je te conseille aussi"Si loin de vous" de Nina Revoyr. Si tu ne l'as pas lu, va vite l'acheter chez ton libraire, c'est formidable et très prenant.

    RépondreSupprimer
  4. Misty merci pour ta lecture de ce billet, alors figure toi qu'il doit vraiment falloir que je lise ce livre : je l'ai feuilleté en librairie mais ne l'avais pas acheté, une amie m'en a parlé aussi et toi maintenant qui me le recommande chaudement, c'est dit, je le commande ! Je te ferai part de mes impressions. Merci pour ce conseil de lecture ;-)

    RépondreSupprimer
  5. Que se passe t'il ? c'est la grève ou la saison d'hibernation ? moi qui je passais silencieusement mais assidûment, toujours avec plaisir,
    je m'interroge, j'espère que vous allez bien, l'une et l'autre, à bientôt pour une belle année 2014
    La passante

    RépondreSupprimer